Corps: regard masculin vs. regard féminin

Non, un homme ne regarde pas le corps d’une femme de la même manière qu’elle-même se regarde. Et il ne voit pas les mêmes choses. Et non, ce n’est pas juste une question de sentiments…

Il faut remonter à la nuit des temps pour trouver le point de départ de la différence de vision entre l’homme et la femme. Depuis la préhistoire, l’homme est le chasseur, la femme la cueilleuse et, plus tard, celle qui entretient le feu (au sens propre !). L’homme a donc développé une vision d’ensemble, indispensable pour repérer le gibier et échapper aux prédateurs. L’homme voit l’image dans son intégralité, dans sa globalité. Ceci explique d’ailleurs pourquoi, aujourd’hui encore, il a souvent plus de mal à trouver quand il cherche quelque chose de précis, qui se trouve tout proche de lui… La femme au contraire, afin de repérer les baies puis pour tout de suite voir quand le feu commence à s’éteindre, a privilégié une vision parcellaire qui permet de s’attacher aux détails. Et aujourd’hui encore, c’est donc le plus souvent elle qui trouve lorsqu’elle cherche. Donc, dès l’origine, l’homme et la femme ont développé des visions différentes et complémentaires. Champ large et point de détail.

Ainsi, aujourd’hui, lorsqu’un homme se regarde dans un miroir ou regarde un autre individu, il voit un ensemble, le corps tout entier. Et cet ensemble est soit harmonieux, soit disgracieux. Pourquoi il est l’un ou l’autre, l’homme ne saurait vraiment l’identifier, encore une fois, c’est une impression globale. Les seuls «  détails » qui retiennent le regard masculin sont les zones érogènes (les fesses, les seins). Donc, lorsqu’ils sont exposés (c’est-à-dire non entièrement cachés par un vêtement) et soulignés (à l’aide d’un collier par exemple), oui, ils attireront son regard car il est un « chasseur à l’affût » et que ces zones sont pour lui l’indice de quelque chose de plaisant. Et là encore, ce sont les zones dans leur ensemble qui sont vues (fesses) et non dans leur détail (cellulite). C’est la rêverie érotique de l’homme qui est stimulée par cette vision, pas son sens critique.

Lorsqu’une femme regarde une autre personne ou se regarde dans le miroir, son œil parcourt tout une succession de parties du corps regardé. Et c’est chaque élément qui est classé, individuellement, en « bien » ou « mauvais ». Comme il y a toujours au moins une partie qui n’est pas considérée comme totalement satisfaisante, le résultat de ce « scan » est toujours plus ou moins négatif. « Puisque cet élément n’est pas comme je le souhaite, je ne peux pas être satisfaite. »

Les deux ont raison : l’ensemble peut-être harmonieux et le détail insatisfaisant. Mais comme ils ne peuvent pas faire coïncider les deux visions, l’homme et la femme ne peuvent admettre, ni même comprendre, ce que l’autre voit. Ainsi, il est impossible le plus souvent pour la femme de croire l’homme qui lui dit qu’il la trouve magnifique puisqu’elle a identifié une prise de poids ou une nouvelle ride. Et l’homme n’arrive pas à comprendre que la femme ne soit pas sensible à l’harmonie de l’ensemble qui est maintenue malgré ce détail.

Ajoutons à cela la très forte pression sociale qui fait de l’aspect physique de la femme un élément bien plus important que de celui de l’homme (pour la même raison d’ailleurs : l’homme, moins sensible aux détails, va moins se sentir concerné par des injonctions ciblées, comme celles sur la ligne, les rides ou les cils). Soulignons également l’obligation médiatique faite aux femmes d’être performantes et parfaites sur tous les plans (mère, amante, amie, professionnelle, …), ce qui est impossible et donc met dans une situation d’échec permanente, et nous avons tous les éléments qui conduisent les femmes à avoir une vision la plupart du temps critique et dévalorisante du corps. Et, comme nous sommes dans une civilisation d’origine judéo-chrétienne, une vision culpabilisante.

Tout ceci aboutit à des situations ubuesques. Ainsi, par exemple, une femme va s’interdire de se montrer en lingerie sexy à son/sa partenaire parce qu’elle estime que son corps n’en est pas « digne ». Elle prive ainsi l’autre d’une vision globale qu’il pourrait apprécier au motif qu’elle, elle ne peut l’apprécier dans les circonstances actuelles. Et comme le niveau d’exigence de perfection est extrêmement élevé pour les femmes, il y a fort à parier que les circonstances permettant à la femme d’apprécier ladite vision ne seront jamais atteintes. Et donc, elle se prive et prive le partenaire définitivement de quelque chose qui ferait sans doute très plaisir au partenaire. Pour s’indigner ensuite que le partenaire en question finisse par regarder avec envie les images de femmes en lingerie présentées par les média et y trouver la justification de sa propre attitude : son partenaire regarde ces filles en lingerie parce que ce sont des mannequins au corps parfait. Et bien non, le partenaire les regarde parce qu’elles sont en lingerie. C’est tout.

De la même manière, il est absurde de demander son avis à un homme sur des thématiques telles que : « tu ne trouves pas que j’ai pris un peu ? » ou bien « c’est mieux avec la frange ou sans pour les rides ? ». Il est incapable de se faire une opinion sur des détails aussi précis dont il n’a jamais pris conscience avant cette question. Il ne peut donc se référer à votre poids du mois dernier ou à votre coupe de cheveux précédente car il ne les a pas vus. Il sait juste qu’il vous trouvait attirante ou pas, harmonieuse ou pas et si cela a changé ou pas. Inutile donc de harceler ces pauvres hommes qui ne savent absolument pas quoi répondre et qui sentent bien qu’un mot malheureux aura des conséquences dantesques mais qu’un silence prolongé ne sera pas mieux reçu.

Inversement, un homme aura un mal fou à admettre qu’en dépit d’une silhouette, d’une allure générale qui lui déplaît, à lui, une femme puisse le trouver attirant. Pour un homme, de beaux yeux ou de belles mains ou quelque autre partie du corps ne peut, seule, faire oublier l’ensemble. Et pourtant, c’est vrai : une femme peut être totalement sous le charme d’un sourire éclairant un visage ingrat ou de belles fesses au-dessus de jambes trop courtes. Car elle voit le détail qui fait oublier l’ensemble.

Alors, par pitié, ayez présente à l’esprit cette réalité : votre partenaire vous voit autrement que vous et s’il/elle est avec vous, et vous désire, c’est qu’il/elle  apprécie ce qu’il/elle voit. Ne vous bridez donc pas, ne le/la privez donc pas au motif que vous, vous ne vous appréciez pas autant. Faites-lui plaisir en pensant à ce qu’il/elle aime, de la même manière que vous attendez de lui qu’il/elle pense à votre plaisir, par exemple en vous achetant votre cadeau d’anniversaire, plutôt qu’à ses besoins.

Si un homme qui refuse de croire sa partenaire lorsqu’elle lui vante le charme de son sourire et la traite d’hypocrite est un mufle, que dire d’une femme qui reproche à son partenaire d’aimer ses seins au motif qu’ils sont en poire et qu’elle, elle les aurait voulu en pomme ? Ne reprochez pas à votre partenaire de vous trouver belle « dans l’ensemble » ou beau « pour tel détail », cela est tout à fait possible même avec des détails ou un ensemble qui clochent. Il/elle ne vous ment pas, il/elle ne vous prend pas pour une cruche ou un imbécile. Il/elle vous dit très exactement ce qu’il voit !