Ah, que les films nous ont fait du mal avec leur représentation idéalisée des scènes d’amour! On se croirait à chaque fois dans un Walt Disney pour adulte… Tout y est parfait: le décor, la température, les accessoires, la couche toujours accueillante et confortable, la musique (venue d’où?!), les dessous, jusqu’au brushing. Et la pulsion qui porte les personnages est simultanée, presque symbiotique tant chacun sait exactement quoi faire pour attiser et satisfaire l’autre en lui tirant des gémissements aussi explicites qu’artificiels.
Oui, parce que c’est bien une scène de cinéma, artificielle par définition et idéale par obligation, puisque l’idée est de séduire le spectateur. Donc tout s’y passe de manière parfaite, pas une fausse note, pas un enfant qui déboule parce qu’il a perdu sa tétine, pas un poil qui dépasse de l’épilation maillot. Un rêve.
Or, c’est ce rêve, par définition irréel, que bien souvent les couples ont pour ambition de vivre, mordicus convaincus que le « vrai » amour se traduit ainsi.
Alors d’abord, il convient de remettre les pendules à l’heure: soit le désir vient spontanément et concomitamment aux partenaires lorsqu’ils sont dans les conditions idéales comme représentées au cinéma, et donc il y a bien une (longue) préparation pour que puisse jaillir cette spontanéité. Soit le désir est quelque chose qui se décide, qui se travaille, qui se construit et il peut exister même lorsque les conditions sont réelles, donc imparfaites.
Et la sexualité humaine est heureusement en grande partie une construction du cerveau, elle ne dépend pas de circonstances extérieures (la période de reproduction ou des violons invisibles). Dans une relation, on conscientise petit à petit un amour du partenaire par choix et sans plus obéir à une pulsion chimique. On le voit comme il est et pourtant on souhaite le garder et poursuivre avec lui. C’est le moment où l’être humain se dégage de la dimension animale, de l’instinct de reproduction. Il est donc normal, et même souhaitable, qu’il n’éprouve plus de pulsions sexuelles. Il va les remplacer par un désir volontaire, presque « raisonné », utilisant désormais le plan sexuel comme un moyen de prouver son amour au partenaire choisi et non plus subi.
C’est une magnification de la sexualité qui est dégagée de sa fonction purement reproductive. Et pourtant, paradoxalement, au nom du romantisme justement, nombreux sont ceux qui refusent le désir « s’il n’est pas spontané » ! De manière totalement absurde ils trouvent la sexualité moins bestiale lorsqu’elle s’impose naturellement (entendez « hormonalement ») que lorsqu’elle se décide volontairement. Toujours cette référence à la scène de cinéma…
« Je ne veux pas me forcer/ que l’autre se force » est la phrase rituelle. Ah bon ? Et qu’est-ce donc d’autre qu’un rapport auquel on est forcé qu’un rapport décidé par un shoot hormonal totalement inconscient ? La spontanéité du désir est une illusion dans tous les cas. Soit il naît de l’usine chimique qu’est notre cerveau physiologique et qui réagit à tout un tas de stimuli par définition préexistants au désir, soit il est créé par notre dimension intellectuelle et consciente.
En réalité, ce qui importe, c’est l’existence du désir. Peu importe comment il naît…