En ces jours d’efficacité, de résultat, il est intéressant d’observer une recrudescence des consultations de couple prémaritales. Cela peut sembler peu romantique à certains mais c’est pourtant un vrai gage d’engagement, un signe que les partenaires s’envoient et qui signifie : « nous voulons mettre toutes les chances de notre côté car notre relation mérite cet investissement ».
En réalité, ce type de travail rejoint dans une certaine mesure ce qui est fait lors de la « préparation au mariage » exigée par l’Eglise Catholique. Certes, cette préparation-là porte essentiellement sur des questions spirituelles, mais elle vise justement à obliger les fiancés à réfléchir à la signification d’un engagement « pour la vie » et à se poser des questions cruciales.
Dans mon cabinet, il m’est aussi déjà arrivé de recevoir des couples qui venaient, non pas parce qu’il y avait un problème, mais justement avant qu’il n’y ait des problèmes pour « avoir des clés pour les éviter ou les résoudre». C’est la démarche de la médecine autrefois en Asie : le médecin était rétribué par l’ensemble du village pour en garder les habitants en bonne santé et, quand il y avait un malade, il devait le soigner gratuitement. Le meilleur moyen pour que la relation de couple aille bien, c’est d’en prendre soin et d’entretenir son bien-être.
Lorsque l’on est dans la phase amoureuse, la production hormonale d’ocytocines et d’endorphines donne l’impression de voir la vie en rose. C’est exactement le cas : le jugement est altéré, la lucidité aussi. On choisit délibérément de ne retenir que ce qui colle avec notre désir de voir en l’autre la perfection incarnée. Ses défauts deviennent « du caractère », les détails triviaux sont momentanément gommés. Mais lorsque la relation s’installe et que la production hormonale s’apaise, les lunettes roses tombent et la réalité s’impose à nouveau : il ne range jamais ses chaussettes et il ronfle, elle est tout le temps en insécurité et elle se ronge les ongles.
Cette redécouverte de l’autre dans sa réalité et non plus dans notre idéal fantasmé, admettre que l’âme sœur est un individu indépendant, tout cela demande de faire des ajustements, d’accepter de renoncer à un conte de fée afin de pouvoir vivre une belle histoire. Pour cela, le recours à une thérapie prémaritale peut s’avérer une excellente idée. L’échange des idées, des points de vue, l’expression des ressentis, les questions posées en présence d’un tiers neutre qui accompagne est le gage d’un cadre sécurisant dans lequel chacun des partenaires sait qu’il peut tout dire et tout entendre, sans rapport de force ni jugement. Personnellement, outre les conseils et observations, je mets à la disposition des couples qui viennent dans mon cabinet des outils et des exercices qu’ils peuvent emporter chez eux afin d’être rapidement autonomes.
Même lorsque l’on est en couple depuis longtemps, un changement de statut tel qu’un mariage, l’arrivée d’un enfant ou une expatriation signifie une modification en profondeur qui affecte les deux partenaires. Il est donc important d’en prendre conscience et, ensemble, de préparer ce tournant à négocier.
Il est tout à fait admis que l’apprentissage est un prérequis à la pratique. On apprend donc à lire et à compter, puis on apprend un métier. Les parents donnent une éducation sociale et parfois politique. Il y a une éducation sexuelle. Alors pourquoi la relation amoureuse devrait-elle être la seule chose qui ne s’apprenne pas, qui soit « spontanée » ? Non, tout comme Flaubert l’avait déjà pressenti, il faut une « Education Sentimentale ». Apprendre à aimer l’autre, à l’accueillir, à s’aimer tout en aimant un autre, à communiquer, à gérer des émotions parfois contradictoires, à faire le deuil, tout cela est fondamental pour qui veut réussir sa vie amoureuse. Et il est frappant que de voir que dans les pays anglo-saxons cette pratique se répand de plus en plus. Le pragmatisme britannique peut-être… Toujours est-il que l’on ne peut que se féliciter que cette vision gagne peu à peu du terrain car elle est gage d’une prise de conscience, à une époque où la longévité est telle que l’on peut tout à fait avoir deux histoires de 30 ans chacune, qu’une relation se construit dans la durée dès le départ !